Les thérapies

Nos thérapies

D’ordinaire, les cliniciens que nous sommes ne sont pas pour autant épistémologistes : nous n’avons aucune formation dans cette branche de la science qui étudie l’origine et la nature de la connaissance […] Pourtant, je crois qu’au moins quelques considérations de base en épistémologie déterminent la direction que notre champ est en train de prendre…

Watzlawick P. (2000), « La construction des « réalités » cliniques », in Stratégie de la thérapie brève

Au premier abord, une thérapie désigne la manière dont on s’y prend pour soigner une maladie, un mal qui assaille celui qui en souffre. Dans le champ des sciences humaines et de la souffrance psychologique, les thérapies sont plurielles et tendent se spécifier par l’affirmation d’une méthodologie référée à un cadre théorique donné et souvent à propos d’un objet : le couple, la famille, le comportement, l’anxiété …

Quel est votre problème ?

Puis vient, le jeu de la réalité psychique, ou devrais-je plutôt dire des réalités psychiques. Par le truchement des contextes, des moments de l’histoire et de ses évolutions, avec l’homme qui peut parler de sa souffrance, c’est la souffrance aussi qui vient à parler. Le cadre des thérapies en usage, commence alors à se torde à l’épreuve desdites réalités psychiques singulières. Ils n’en finissent de se spécifier, de s’ajuster à nouveau. Puis de spécifications en spécifications, ils se complexifient et renouent, par quelques aspects, avec cette vielle expérience clinique. Il ne s’agit pas de dire que les thérapies se résorbent toujours, ou finissent par se dissoudre dans une perception épinglée « clinique » des problématiques humaines, ni de dire que les thérapeutes ne sont d’ordinaire pas des cliniciens. C’est dans le rapport au poids du passé, de la tradition du soin que s’est construit une nouveauté du sens de la thérapie que l’on pourrait dire “moderne”. Ici, je fais référence à la nouveauté behavioriste qui, au début du XXe siècle, a été la plus marquante à parler autrement de la psychologie et de ses enjeux. A la profondeur des questions sur les souffrances humaines qui accompagnait la pratique du soin, on a vu se substituer la pratique du soin par la “résolution de problème”. Le comportementalisme de Watson a été beaucoup critiqué et amendé, mais c’est dans ce perpétuel amendement, à quoi il ne peut en définitif se soustraire, qu’il renoue avec la clinique comme l’expérience d’une écoute, jamais finie et parfaite de ce que peut demander un humain pour mieux aller. L’optique thérapeutique n’est donc pas toujours la négation de l’expérience clinique. Elle ne fait pas du savoir de jadis, ni de la connaissance de l’histoire de la souffrance, la prémisse sine qua non, le réquisit essentiel de la pratique de la thérapie. Mais dire cela, ne doit pas mener à la conclusion hâtive que l’optique de la thérapie nie systématiquement le savoir historique qui fait l’expérience clinique. Dans la nouvelle donne, il faut le dire, anglo-saxonne de la thérapie induite par le schématisme téméraire watsonnien, on commence par résoudre un problème, et chemin faisant, c’est l’individu qui, des fois, nous ramène à la singularité son problème.